Rosalía – Berghain : un clip symbolique mêlant sacré et profane et préfigurant l’album Lux

Musiques

Berghain, un clip qui mêle sacré et profane

Le 27 octobre, Rosalía a dévoilé le clip Berghain, premier extrait de Lux, son quatrième album attendu le 7 novembre. Cette sortie marque le retour de la chanteuse espagnole après le succès remporté par Motomami il y a plus de trois ans et confirme une ambition artistique soutenue pour ce nouveau projet.

Chanté en allemand, espagnol et anglais, ce titre s’ouvre sur un choral classique interprété par le London Symphony Orchestra avant de s’orienter vers des sonorités plus sensuelles et modernes. Björk participe à ce morceau, apportant une dimension quasi divine, tandis que Yves Tumor contribue à une finalité plus charnelle.

Réalisé par Nicolás Méndez et tourné à Varsovie, le clip se présente comme une œuvre à part entière. Il suit une femme tourmentée par ses émotions qui entame un cheminement introspectif en quête de rédemption.

Entre innocence et passion : les motifs visuels

Les choix chromatiques installent d’emblée une dualité. Dans son appartement, Rosalía porte une robe noire et ouvre les rideaux pour laisser entrer la lumière, puis évolue dans un univers immaculé où elle effectue des gestes domestiques évoquant une purification. Cette blancheur est sans cesse remise en cause par la présence de rouge — symbole de la passion — et par les tenues noires des musiciens qui l’entourent.

La présence soutenue des musiciens matérialise les pensées intrusives et l’état d’esprit qui ne la lâche pas. L’orchestre devient ainsi la matière visuelle de l’anxiété et du désespoir amoureux.

Lors d’une séquence chez le bijoutier, le tableau La dame à l’hermine, de Léonard de Vinci, accroché au mur, n’est pas anodin. L’hermine blanche incarne à la fois la pureté et un désir réprimé. Rosalía incarne une féminité complexe, oscillant entre innocence et passion. Hors de chez elle, elle paraît en gris, signe d’un entre-deux, et la scène finale la voit s’élever comme une colombe bicolore, mélange des codes du doute et de l’espoir.

Le sucre qui fond dans le café devient une métaphore de vulnérabilité : « je ne suis qu’un morceau de sucre, la chaleur me fait fondre » est une résonance de l’état fragile face aux passions, évoquant aussi le film Trois couleurs : Bleu de Kieslowski.

Le langage religieux du sacrifice

Rosalía a évoqué l’influence de son éducation catholique sur l’élaboration de Lux. Dans le clip, l’imagerie chrétienne structure l’ensemble : on voit une croix, un petit fouet pénitentiel, une statue de Marie et un Sacré-Cœur entouré d’épines, symboles des souffrances et de l’amour divin. Des passages chantés en allemand par le chœur renforcent cette dimension liturgique et se répondent au motif du bijou brisé représentant l’état amoureux fragilisé.

La posture adoptée lors de l’examen médical rappelle les gestes des représentations de Marie-Madeleine dans l’iconographie de la Renaissance.

Blanche-Neige revisité

De retour chez elle, Rosalía évolue dans un univers sombre et féerique où des animaux de la forêt envahissent son appartement, scène qui fait écho à une séquence du film d’animation Blanche-Neige (1937). Le récit met en relief les thèmes de pureté, de sacrifice, mais aussi de désir et de danger. Contrairement à l’héroïne du conte, Rosalía n’est pas sauvée par un prince : l’intervention divine — symbolisée par l’oiseau rouge apporté par Björk — semble être son salut.

Au terme du clip, Berghain s’impose comme une œuvre complète, annonçant un approfondissement de la voie mystique entre tradition et modernité dans Lux.

Par Andréanne Quartier-la-Tente