Légumineuses en Suisse : entre potentiel agronomique et défis du marché

Economie

Le retour des légumineuses en Suisse : entre bénéfices agronomiques et enjeux économiques

Autrefois présentes dans l’alimentation quotidienne, les légumineuses ont peu à peu quitté les assiettes helvétiques. Les protéines végétales restent toutefois considérées comme moins polluantes que la viande et moins gourmandes en ressources.

À Genève, dans une ferme où l’activité de culture demeure rare, Christophe Courtois figure parmi les rares producteurs de légumineuses en Suisse. Cet été, il ramasse des haricots blancs et a déjà récolté des lentilles et des pois chiches.

Pour lui, ces plantes offrent un avantage agronomique certain. Elles peuvent capter l’azote présent dans l’air grâce aux nodosités sur leurs racines, ce qui pourrait limiter l’apport d’engrais azoté au printemps et favoriser leur croissance sans intrants supplémentaires. Cette propriété est partagée par les lentilles, pois chiches, haricots, féveroles et soja, et, en rotation, les légumineuses restituent l’azote à la culture suivante, précise-t-il dans l’émission 19h30.

Des chiffres marquent le paysage national

Malgré ces atouts, les féculents secs peinent à reconquérir une place dans les champs suisses. Au XIXe siècle, la consommation moyenne par personne atteignait 30 kilos par an; en 2000, elle tombait à 300 grammes et a ensuite repris pour atteindre environ 2 kilos aujourd’hui.

La production domestique demeure minoritaire: moins de 2000 hectares dédiés, soit moins de 1 % de la surface agricole du pays. Une grande partie des légumes secs est importée.

Des coûts et une concurrence internationaux

Le prix est un facteur déterminant. Sur les rayons, la concurrence étrangère est très présente, avec des coûts qui restent inférieurs d’environ la moitié par rapport à la production locale. Le Canada — premier producteur mondial — est cité comme référence, avec des étendues cultivées à l’échelle mondiale. En Suisse, même avec 200 hectares de lentilles par an, il serait difficile de régater, selon Christophe Courtois. Il explique que doubler la production n’est pas envisageable sans mesures politiques fortes et que, tôt ou tard, le cadre institutionnel doit suivre.

Protection douanière et perspective politique

Contrairement à la viande, aux tomates ou aux céréales, les légumineuses suisses ne bénéficient d’aucun droit de douane protégeant leur marché. Cette situation est en partie héritée de l’époque où la Suisse a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et où l’agriculture était l’une des branches les plus protégées et subventionnées. Didier Chambovey, ancien ambassadeur de la Suisse auprès de l’OMC, rappelle ce contexte et souligne le chemin parcouru depuis.

Aujourd’hui, l’Union suisse des paysans affirme avoir commandé une étude pour renforcer la protection douanière des légumineuses. À Berne, plusieurs motions visant à modifier l’accord ont été déposées puis rejetées par le Conseil fédéral. Renégocier l’accord avec l’OMC impliquerait des choix difficiles et pourrait nécessiter des concessions dans d’autres secteurs agricoles.

En conclusion, la question des légumineuses reste à la croisée de l’agronomie et de la politique commerciale, avec des acteurs qui plaident pour un soutien mesuré afin de relancer une production domestique tout en conciliant compétitivité et durabilité.