Contexte et enjeux de l’accord
Halima Shamasneh, 83 ans, pourrait bientôt serrer à nouveau ses deux fils dans ses bras après 34 années de détention par Israël. Abdel Jawad et Mohammed Shamasneh figurent sur la liste des détenus susceptibles d’être libérés dans le cadre d’un échange entre Palestiniens et otages israéliens, conformément à l’accord scellé entre Israël et le Hamas et entré en vigueur vendredi, après plus de deux ans de combats à Gaza.
Selon Mme Shamasneh, les autorités lui ont indiqué que « leur nom est sur la liste » des détenus libérables, liste publiée vendredi par Israël. Toute la famille s’est réunie dans la maison des parents, à Qatanna, un village au nord de Jérusalem, près du mur séparant Israël et la Cisjordanie. Dans le salon, trois générations suivent les informations à la télévision. « Donc on attend les nouvelles », affirme Halima, vêtue d’une robe palestinienne entièrement brodée à la main.
Le récit de ce rassemblement évoque aussi une période dite « tragique » par les proches. Sur les murs, les portraits des deux frères témoignent des années 1980, époque de leur arrestation. Abdel Jawad aurait aujourd’hui 62 ans, Mohammed approche la cinquantaine. Si les motifs de l’emprisonnement ne sont pas détaillés publiquement, le dossier d’Abdel Jawad, publié par Israël dans la liste de libération, mentionne une condamnation à perpétuité pour meurtre, tentative de meurtre et complot en vue de commettre un crime. Pour Mohammed, les informations manquent à ce stade.
Ajwad Shamasneh, fils d’Abdel Jawad et travailleur journalier en Israël, se souvient : « J’avais 9 ans lorsque mon père a été emprisonné ; j’en ai 44 aujourd’hui et j’ai quatre enfants. Vivre sans père est une tragédie. Enlacer son père après 34 ans, c’est indescriptible. » Ses frères partagent l’émotion et retiennent difficilement leurs larmes.
Contexte politique et cadre de l’échange
Cette libération potentielle s’inscrit dans la première phase du plan soutenu par les États‑Unis, destiné à mettre fin au conflit déclenché par l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Selon ce cadre, le Hamas doit libérer 47 otages restants à Gaza (vivants ou morts) et restituer la dépouille d’un soldat tué en 2014. En échange, Israël s’engagerait à libérer environ 250 détenus pour des raisons de sécurité et quelque 1700 Palestiniens arrêtés par l’armée israélienne à Gaza depuis octobre 2023.
Les accords de libération de prisonniers entre Palestiniens et Israéliens sont souvent contestés par les familles des victimes, qui dénoncent ces échanges devant la Cour suprême. Vendredi, la Cour a rejeté une requête au motif que les questions de guerre et de paix, y compris les cessez-le-feu et leurs conditions, ne relèvent pas du domaine judiciaire.
Ajwad Shamasneh précise qu’il n’a pas pu voir son père depuis huit ans, les visites étant interdites par l’administration pénitentiaire israélienne. En janvier dernier, une trêve de six semaines avait permis la libération de centaines de Palestiniens en échange d’otages, mais l’application complète du plan reste incertaine.
Pour Youssef Shamasneh, le père des détenus, l’espoir demeure, même si l’éventualité d’un exil des fils est évoquée dans certains scénarios. « S’ils partent à l’étranger, je ne pourrai pas les voir », soupire-t-il. De son côté, un responsable gouvernemental a déclaré dimanche qu’Israël ne libérerait les détenus palestiniens qu’après la confirmation que tous les otages auront été rendus. Dans l’attente, l’épouse du paternel évoque déjà le repas de fête qu’elle préparerait: un mansaf, plat traditionnel à base d’agneau et de yaourt fermenté.